Le LiDAR et l'apprentissage-machine ("machine learning") au secours de l’archéologie

Soumis par Alain-Herve Le Gall le lun 17/09/2018 - 23:05
La détection de tumulus, structures funéraires du Néolithique

La technologie LiDAR aéroportée, qui est largement utilisée en archéologie s’est, au cours de la dernière décennie, révélée un outil précis pour décrire les formes de relief anthropomorphiques. Après avoir dérivé un modèle numérique de terrain (MNT) de données LiDAR, les caractéristiques archéologiques sont généralement mises en valeur à l'aide de multiples techniques de visualisation et, à l'occasion, de techniques automatisées de détection ou de classification. Une telle approche offre des résultats limités lorsqu'elle est appliquée à des structures hétérogènes (différentes tailles, différentes morphologies), ce qui est souvent le cas pour des vestiges archéologiques qui ont été altérés au cours des siècles.

Cette étude publiée dans la revue Remote Sensing en février 2018 par Alexandre Guyot et Laurence Hubert-Moy (LETG-Rennes) et Thierry Lorho (CReAAH, DRAC-SRA) propose de surmonter ces limites en développant une analyse multi-échelle de la position topographique combinée à des algorithmes d'apprentissage-machine supervisés (Random Forest). Plutôt que de mettre en évidence des anomalies topographiques individuelles, l'approche multi-échelle permet d'examiner les structures archéologiques non seulement comme des objets individuels, tout en prenant leur environnement en compte. Cette méthode innovante et simple donne deux niveaux de résultats : une image composite de la structure topographique de la surface et une carte de probabilité de la présence de structures archéologiques. La méthode a été développée pour détecter et caractériser les structures funéraires mégalithiques dans la région de Carnac, la Baie de Quiberon et le Golfe du Morbihan (France), dont l'inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO est actuellement envisagée. Ainsi, les sites archéologiques connus ont été géoréférencés avec une plus grande précision qu'auparavant (même lorsqu'ils sont situés sous une végétation dense) et un contrôle au sol a confirmé la présence d'un tumulus néolithique inconnu dans la commune de Carnac. Les données ont été acquises en 2016 par un LIDAR Titan Optech acquis par l’OSUR et l’OSUNA.
 

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Relief topographique et bathymétrique de la région de Carnac, de la Baie de Quiberon et du Golfe du Morbihan, ainsi que la couverture LiDAR utilisée dans l'étude et les emplacements des sites archéologiques néolithiques des zones de Lann Granvillarec et Kerlescan


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Le "Tumulus de Coët-Cougam", auparavant inconnu du Service archéologique régional (Drac/SRA), a été détecté par la méthode développée

 


Les résultats préliminaires présentés dans cet article ont montré que cette approche combinée aux techniques d'apprentissage-machine peut fournir des résultats et des possibilités utiles :
- une technique innovante et pertinente de visualisation de structures archéologiques utilisant un MNT dérivé de données LiDAR;
- la capacité d'aider les archéologues à améliorer les descriptions (emplacement géographique, étendue, morphologie) des structures inventoriées ;
- un support à la prospection archéologique (par visualisation/interprétation d'images MSTP = Multiscale Topographic Position) ;
- un pas vers la détection semi-automatique en intégrant des algorithmes d'apprentissage-machine.

Bien que la méthode ait été développée sur deux zones test, les outils et le traitement en workflow sont suffisamment opérationnels pour étudier l'ensemble des données LiDAR couvrant la zone de Carnac. Des levés de terrain supplémentaires sont néanmoins nécessaires pour évaluer complètement la méthode mise au point, ce qui peut nécessiter d'ajuster le processus et d'affiner le modèle à l'aide d'échantillons supplémentaires vérifiés au sol.

La base de données actuelle (sous forme d’une coordonnée XY par site) offre une précision variable sur l'ensemble de la "zone UNESCO.La plupart des positions de site correspondent en fait à des centroïdes de parcelles de terrain. L'utilisation de données LiDAR et la méthode proposée permettent d'améliorer la documentation des sites. Au-delà du projet de l'UNESCO, cette étude a été menée au sein du Service archéologique régional de Bretagne (Drac/SRA), dont l'objectif est d'enrichir continuellement l'inventaire des sites archéologiques pour assurer la protection de ce patrimoine.

Bien que cette étude ait porté sur les vestiges archéologiques du Morbihan, la méthode mise au point sera testée à l'avenir pour étendre le champ d'application à un plus large éventail de structures et à une variété de contextes archéologiques.


Référence
Guyot, A.; Hubert-Moy, L.; Lorho, T. Detecting Neolithic Burial Mounds from LiDAR-Derived Elevation Data Using a Multi-Scale Approach and Machine Learning Techniques. Remote Sens. 2018, 10, 225. doi.org/10.3390/rs10020225

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