L’apport d’oxygène par les réseaux de fractures permet le développement de bactéries oxydantes du Fer en profondeur
Les environnements souterrains stockent la plupart des eaux douces de la Terre et abritent divers microorganismes qui pourraient constituer une partie importante de la biosphère. Cependant, la dynamique et la distribution spatiale de ces microorganismes de subsurface, ainsi que leur réponse aux processus hydrologiques, sont encore aujourd’hui mal comprises. Des chercheurs rennais des labos Géosciences Rennes et ECOBIO – dans une étude réalisée dans le cadre de la thèse d’Olivier Bochet soutenue à l’université de Rennes 1 en décembre 2017 - ont utilisé les analyses chimiques et métagénomiques des eaux souterraines d'un aquifère du socle granitique du Massif armoricain (Observatoire hydrogéologique de Ploemeur, Morbihan, dans l'ouest de la France) afin de déterminer le rôle des fractures du sous-sol dans le développement de micro-organismes en profondeur. Ces résultats sont publiés dans la revue NATURE Geoscience en janvier 2020.
L’étude s’est concentrée sur les observations effectuées dans un forage de 130 m de profondeur sur l’observatoire hydrogéologique de Ploemeur dans laquelle un développement de biofilm contenant des bactéries oxydantes du Fer avait été observé en profondeur. La majorité des fractures échantillonnées se sont avérées anoxiques (i.e. sans oxygène, excluant donc le développement de bactéries oxydantes du Fer), mais une fracture contenant des eaux riches en oxygène a été détectée à 54 m de profondeur. Cette fracture a montré en outre une multiplication par cinq de l'abondance des bactéries oxydante du Fer, représentant ainsi un « hotspot » microbien en profondeur.
L’équipe rennaise a mis au point un modèle d'écoulement et du transport d’oxgène dans les fractures : elle a ainsi montré que de tels hotspots microbiens sont rendus possible grâce au mélange des fluides qui génèrent des processus chimiques d'oxydoréduction aux intersections des fractures. Le modèle montre que les fluctuations dans les niveaux de la nappe phréatique près de la surface, entraînent un apport intermittent d'oxygène via les fractures profondes. Cet apport d’oxygène dans un milieu globalement anoxique permet de fait d’étendre la profondeur de la zone habitable pour les bactéries oxydant le fer, jusqu’à potentiellement des centaines de mètres sous la surface.
Étant donné que les fractures sont omniprésentes à de multiples échelles (millimétrique à kilométrique) dans la subsurface terrestre, on peut donc estimer que ces hotspots microbiens profonds pourraient influencer considérablement les communautés microbiennes du sous-sol, et en conséquence, réévaluer l’importance de leurs rôles sur les cycles biogéochimiques globaux de la Terre.
Schémas d'écoulement, gradients redox et hotspots de mélange réactif dans le sous-sol.
a, Représentation conventionnelle des environnements homogènes du sous-sol. Lorsque l'eau s'écoule le long des voies d'écoulement, la séquence redox évolue des conditions oxydantes (bleu) aux conditions réductrices (rouge). Les voies d'écoulement transportant de l'eau à différents états redox ne se croisent qu'à la sortie, créant ainsi des hotspots réactifs superficiels.
b, Modèle conceptuel pour les hotspots réactifs profonds dans la roche fracturée. Dans les zones d'alimentation, l'eau riche en oxygène s'écoule à travers la zone altérée jusqu'aux fractures profondes. Les hotspots de mélange se développent aux intersections entre les fractures oxydées et réduites, soutenant ainsi une variété de processus microbiens profonds.
c, Zoom de l'intersection des fractures oxydées et réduites et paramètres du modèle de mélange des fractures.
Filaments biominéraux formés par les FeOB (bactéries oxydantes du fer) et abondance relative des FeOB dans les fluides prélevés dans les fractures à différentes profondeurs.
a,b, Images MEB des structures formées par les FeOB échantillonnées dans les fractures : structures tubulaires similaires aux gaines formées par Leptothrix ochracea (a) et tiges tordues caractéristiques de certaines souches de Gallionella et Ferriphaselus (b).
c, Abondance relative de FeOB dans l’eau souterraine prélevée dans les fractures, exprimée en pourcentage de lectures métagénomiques par million de bases (méthode de séquençage génomique d’amplicons d’ARN). On observe une augmentation de 500 à 600 % de l'abondance relative de FeOB dans les fractures F37 et F54/59 par rapport au fond mesuré dans d'autres fractures.
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