Mais pourquoi l'escargot se plait-il autant dans les zones urbaines ?

Soumis par Alain-Herve Le Gall le jeu 07/06/2018 - 15:11
Les pérégrinations de Cornu aspersum en ville

Des chercheurs appartenant à plusieurs labos de l’OSUR ont réalisé une étude basée sur la réplication des paysages pour mettre en évidence les effets de la composition, de la configuration et de la connectivité du paysage sur la différenciation génétique des populations d'escargots petits-gris. L’originalité de ce travail repose sur la multiplication des paysages échantillonnés et l’intégration de trois échelles d’analyse. Cette étude dans laquelle on retrouve notamment Manon Balbi, Aude Ernoult, Pedro Poli, Luc Madec, Marie‐Claire Martin (ECOBIO), Jean Nabucet (LETG-Rennes) et Eric Petit (ESE, INRA) est publiée en avril 2018 dans la revue Molecular Ecology.


Les zones urbaines sont très fragmentées et exercent donc de fortes contraintes sur la dispersion individuelle des espèces. Malgré cela, certaines espèces parviennent à s’adapter et à se maintenir au sein des zones urbaines. C’est le cas de l'escargot petit-gris, Cornu aspersum, qui est commun dans les paysages urbains malgré sa faible mobilité (c’est un escargot…). En utilisant des approches de génétique du paysage, les auteurs ont combiné la réplication des zones d'observation et l'analyse multi-échelle pour déterminer comment la composition, la configuration et la connectivité du paysage influencent la dispersion des escargots dans les zones urbaines.

balbi_escargot2.jpg La génétique du paysage permet en effet de décrire comment les structures écopaysagères (paysagères et environnementales) affectent la structure génétique des populations en influençant la dispersion des organismes. Lorsque des populations sont séparées par des éléments paysagers fragmentant (routes, rivières) leur degré de différenciation génétique est élevé.

Cette combinaison d’approches - génétique du paysage et analyse multi-échelles - a permis de dégager 2 grandes tendances :

  1. à l'échelle du paysage, un résultat inattendu montre que la présence de routes (généralement considérées comme des barrières à la dispersion) diminue la différenciation génétique.
  2. à l'échelle de la population, ils ont observé que l’isolement des populations augmentait avec la surface de bâti et la longueur des interfaces entre zones boisées et zones imperméabilisées ou infrastructures de transports.

Les analyses fondées sur la distance génétique par paires, qui permet de mesurer la divergence génétique entre deux populations, ont validé les modèles d'isolement par distance et d'isolement par résistance pour cet escargot terrestre, avec une performance égale des différents modèles (chemins de moindre coût, théorie des circuits et distance euclidienne).

 

L’utilisation de réplicas paysagers (12 paysages répartis dans les villes de Rennes, Angers et Lens) a permis de mettre en évidence une variabilité inter-paysage de l’influence des caractéristiques environnementales, mais a permis aussi de faire émerger des effets généraux communs.

balbi_escargot-site-etude.jpg Légende : Les trois agglomérations françaises, avec 4 paysages (cercles noirs) par agglomération. Les indices paysagers ont été extraits à partir des cartes d’habitat à l’échelle des paysages et des populations. La connectivité fonctionnelle a été quantifiée par des analyses de chemins de moindre coût (LCP), de la théorie des circuits (CT) et comparée aux distances euclidiennes.

Ainsi, ces résultats suggèrent que les infrastructures de transport urbain facilitent la dispersion passive des escargots : pour faire simple, les escargots « profitent » des véhicules pour se déplacer. A l'échelle plus locale, correspondant à la dispersion active (i.e. « par ses propres moyens »), les habitats défavorables (zones boisées et imperméabilisées) isolent les populations.

Cette étude insiste sur l’importance de répliquer les paysages pour obtenir des résultats généralisables en génétique du paysage et montre l’intérêt de combiner les échelles d’analyse pour révéler des processus échelle-dépendants. 

 
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Référence
Balbi M, Ernoult A, Poli P, Madec L, Guiller A, Martin M-C, Nabucet J, Beaujouan V, Petit EJ (2018) Functional connectivity in replicated urban landscapes in the land snail (Cornu aspersum). Mol Ecol. 27:1357–1370. https://doi.org/10.1111/mec.14521